Tension socio-politique
au Bénin
L’analyse-réflexion
d’un universitaire qui interpelle
Publié le 07 Mai 2019, à 19h 30 mn
Par Loth HOUSSOU, La TEMPÊTE
Ex-directeur du développement
des médias du Bénin (sous le régime de la Rupture), Expédit Ologou fait bouger la toile depuis 72 heures, par sa toute
dernière publication.
Intitulée “Crise électorale 2019 : sortir de la passion de l’illimité “, le
Docteur en Sciences politiques et président du Think tank Civic Academy for Africa’s future (CIAAF) dont le siège
est basé à Cotonou, fait plonger la classe politique, la société civile et même
le citoyen lambda dans une réflexion approfondie sur la crise sociopolitique
que traverse le Bénin. Loin d’être un récit d’un partisan ou d’un opposant, c’est
un véritable miroir qui devrait inciter les Béninois d’ici et d’ailleurs à
refaire une vue rétrospective que la ligne sociopolitique a entreprise depuis
plus d’une décennie, qui ont eu comme conséquences, le regrettable scénario
actuel qui ne fait que grincer les dents.
Lisez plutôt.
Crise
électorale 2019 : sortir de la passion de l’illimité.
Et maintenant, tirons un trait et dressons l’addition
: un massif de curiosités sidérantes en lois ; des traumatismes, pertes
matérielles et symboliques incalculables ; une mer de honte toute bue à la face
du monde ; des meubles et immeubles en feu, quelques-uns d’entre nous
transformés en bêtes, puis immolés, un peu de leur sang aspergé, ça et là, qui
bénit le sol et salue les Ciels, le geste sacrificiel est exemplaire ! Certains
en sont repus. D’autres, peut-être, en demandent encore ! « Plaise le Ciel
qu’aucun bain de sang, qu’aucun bain de sang ne nous éclabousse et ne nous
emporte dans ses flots… », Monseigneur de Souza est mort une deuxième fois… !
Mais, touchons du bois, c’est pour que vive la Patrie !
C’est vrai, il y a très longtemps que nous ne sommes
plus apparus en boucle sur des chaînes internationales. Nous vendions au monde
tant bien que mal ce bout de démocratie, de dignité et d’honneur… Mais l’envie
de « révéler » en « star » le Bénin au monde aurait été mieux assouvie à l’aide
de spécialistes de marketing plus à l’avenant… Car, la copie finale, que l’on
voulait originale, est certes mâle mais pâle, sale et folle. Elle révèle la «
face ombreuse » et obscure de nous-mêmes, balafrée de sang, parfois
d’innocents. Nous étions si différents, pensaient les autres. Au fond, non.
Nous avons mis juste du temps à être qui nous sommes… Et notre démocratie
rayonne, comme jamais ! Bravo à nous ! Et surtout bravo
aux-maîtres-de-toutes-choses-jamais-accomplies-par
personne-sur-la-Terre-des-Hommes ! Illuminés éternels !
Au vrai, la production de la copie fut habitée de la
passion de l’illimité. Passion qui postule qu’il n’y a de limite à rien ni à
personne : tout, tout au-delà de tout ce qui est permis, est possible. La
passion de l’illimité est jumelle du désir d’ignorance et du désir d’éternité.
Le désir d’ignorance est inconnaissance et méconnaissance. Il est cette forme
d’élan obsessionnel qui ignore et/ou méprise tous les autres savoirs qu’on ne maîtrise
pas et tous les autres savants, experts, sages ou honnêtes citoyens qui savent
mieux que soi mais qui ne pensent pas comme soi. Le désir d’ignorance est
clôture de soi et volonté illimitée d’entraîner dans sa tour d’ignorance, par
tous les moyens tous les autres qui pensent autrement que soi.
Quant au désir d’éternité, il est une ensorcelante
illusion de se croire Dieu. En cela, le désir d’éternité fait de la passion de
l’illimité une orgie. Orgie de la morgue. Orgie de la drogue. Morgue : comme il
se croit Dieu, le sujet ne s’épanouit que dans l’arrogance contre les hommes et
les choses, contre la Vie. Drogue : comme il se croit Dieu, le sujet se crée un
univers où la vie des autres ne vaut quelque chose qu’autant qu’elle peut
servir à l’assouvissement de ses seules envies par-delà-la-raison … La passion
de l’illimité est la pornographie du pire…, dans la cécité et la surdité du
sujet, comme il se croit Dieu !
La crise actuelle n’est pas qu’électorale. Elle est la
crise de quelque de chose de plus profond dont il faut trouver le nom, le nom
juste. Règne de l’argent en tout ? Crise des valeurs ? Crise de la société
entière ? En attendant meilleure formulation, j’avance que cette crise est une
crise de nous-mêmes.
C’est pourquoi, c’est en nous et en nous tous, sans
exclusive, que réside la solution. Mais avant tout, elle passe par un point
central : il faut freiner, calmer la
Passion de l’Illimité ou du moins il faut qu’elle se calme. Elle doit lire, en
silence, dans la pondérance, et avec l’Histoire, les résultats du scrutin du 28
avril 2019. Dans l’abstention record d’environ 80%, il y a la colère des
pauvres déguerpis, des licenciés, des étudiants ; la colère des cadres de
l’administration, des enseignants ; la colère des médecins, des professeurs d’université
et des magistrats ; le malaise de certains opérateurs économiques ; le
sentiment de nombre d’entre eux d’être humiliés à tour de rôle ; la résignation
d’honnêtes gens condamnés au sort du jetable, qui ne souhaitent plus rien,
n’espèrent plus rien, épaves humaines en errance qui attendent juste la
dernière heure… Dans les bulletins nuls, il y a le silence opposant des obligés
par les positions professionnelles, administratives et politiques. Ces colères
étaient démocratiquement patientes parce qu’elles attendaient le moment par
excellence de s’exprimer en dignité : les élections libres, inclusives et
transparentes. Mais la passion de l’illimité les en prive.
Faire semblant de ne pas avoir cerné ces colères et
poursuivre dans la rectitude actuelle ne feraient que reporter à brève ou plus
ou moins longue échéance le pire. Au Dahomey, au Bénin comme ailleurs, hier
comme aujourd’hui, c’est peu, trop peu de contrôler et de mater les corps quand
on n’a pas les faveurs des cœurs et des esprits... Mieux, en situation
critique, tout est fluide, tout se liquéfie vite. Et surtout, les faucons ne
sont pas toujours meilleurs aux cons. La Passion de l’Illimité doit le savoir
et s’ouvrir aux autres, à tous les représentants authentiques de la totalité
sociale.
La passion de l’illimité a l’illusion d’avoir maîtrise
sur le temps, d’avoir tous les leviers en mains et fonce. Elle a l’illusion
qu’elle cerne tout, qu’elle vaincra tout et tous. Car, pour elle, tous les
autres pensant autrement qu’elle, sont cons, plus cons que les faucons qui
pourtant ne sont pas toujours meilleurs aux cons. Mais
l’Histoire dit : « C’est beau, mais c’est faux » ! L’art d’être chef n’est pas l’art d’avoir
toujours raison et force sur tout et sur rien… On ne plie pas l’Histoire à soi,
on négocie avec Elle sa voie…
A ceux que les basses jouissances de petits
strapontins éphémères enivrent, et qui se sont rendus complices de ce qui nous
terrifie aujourd’hui ;
A ceux qui, hier, étaient, par nous et par presque
tous respectés, objets de nos admirations et de nos prières mais qui,
aujourd’hui, étranges et méconnaissables, au-delà de nous avoir trahis, nous
font peur, et nous font avoir honte et peur de nous-mêmes ; à ceux-là, prière,
prière encore, prière toujours… !
A ceux qui sont tourmentés, en sang, en deuil, en
larmes, en peur, en questions, par le terrible inhabituel qui nous assaille,
qu’ils s’accrochent, debout, à l’espérance active, soutenue et généreuse pour
la paix. Mais la paix inclusive…
Expédit B. OLOGOU, Abomey-Calavi, le 04 mai 2019.
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